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Tel est le cri d’alarme du gouvernement centrafricain et l’équipe humanitaire qui œuvre sur le terrain en ce début de l'année 2019.
La crise perdure et est devenue complexe d’où l’urgence de mobiliser 430, 7 millions de dollars soit environ 216 milliards de FCFA pour une assistance immédiate pour atteindre 1, 7 millions de centrafricains en extrême difficulté.
C’est dans ce contexte le bureau de coordination humanitaire en Centrafrique (OCHA) en partenariat avec le gouvernement a procédé au lancement du plan de réponse humanitaire 2019, le 7 janvier à Bangui. Un lancement marqué par la détérioration de la situation sécuritaire avec une recrudescence d’attaques contre les civils et des travailleurs humanitaires en 2018 dont le meurtre d’un personnel humanitaire le 31 décembre 2018 à Batangafo. « Nous devons protester contre les violences sous toutes ses formes à l’égard des humanitaires » a déclaré Najat Rochdi, coordinatrice humanitaire pour la Centrafrique. Selon elle, tout le monde doit protester, une minute de silence ni un communiqué de presse ne suffisent pas, il faut dire NON car si les humanitaires ne disent rien c’est qu’ils ont consenti comme le dit un proverbe « qui ne dit rien consent » a ajouté Mme Rochdi.

2019 doit être une année de changement

La rédaction de LANOCA publie in extenso le discours de Najat Rochdi prononcé le 7 janvier 2019 à l’occasion du lancement du Plan de Réponse humanitaire 2019 pour la RCA.
Bonne lecture.

Je tiens à vous remercier d’avoir répondu présent à l’invitation de Son Excellence Madame la Ministre de l’Action humanitaire et de la Réconciliation nationale, et moi-même à l’occasion du lancement du Plan de réponse humanitaire 2019 pour la RCA. J’ai l’habitude de dire que c’est un plaisir d’être parmi vous. Mais c’est le cœur gros que je m’adresse à vous aujourd’hui. Car malgré deux années d’engagement décidé comme Coordonnateur humanitaire en Centrafrique, je ne puis me réjouir de vous convier ici aujourd’hui.
La RCA continue de s'enliser dans une spirale de violence qui se propage dans de nombreuses régions du pays, y compris dans des zones auparavant considérées comme « stables ».
Des violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire continuent d'y être perpétrées en toute impunité. Ceci exacerbe d’avantage les tensions communautaires, et génère des besoins humanitaires croissants, qui laissent craindre que le pays s'enfonce dans le conflit, au lieu de s’en sortir.
Nous sommes réunis ici car des centaines de milliers d’hommes, de femmes, et d’enfants continuent de souffrir, et de subir les épouvantables conséquences du conflit.
Aujourd’hui, ce sont 2,9 millions de Centrafricains - soit 63% de la population –qui ont besoin d'une assistance humanitaire ou de protection. Au total, un centrafricain sur quatre est actuellement déplacé hors de son foyer (PDI ou réfugié).
En 2 ans, j'ai eu l’occasion de sillonner ce pays de part en part. J’ai été témoin de la souffrance et du désespoir d’une bien trop grande partie de la population de ce pays. Quand je demande aux gens que je rencontre ce dont ils ont besoin, la première réponse qu’ils me donnent est: la protection. Pourquoi? Parce que la crise est avant tout une crise de protection.
En moyenne, nous avons enregistré plus de 1 000 incidents de protection par mois en 2018.Les femmes et les enfants subissent de plein fouet les conséquences de cette violence. Plus de 7 000 cas de violences basées sur le genre (VBG) ont été enregistrés en 2018 – dont un cinquième étant des cas de violences sexuelles, et un sixième affectant des mineurs. Par ailleurs, 1,5 million d’enfants ont besoins de protection et d’aide humanitaire en RCA.
Cette crise de protection exige que toutes les parties s'engagent à assumer leurs responsabilités en matière de protection des civils.
Les populations les plus durement touchées par le conflit sont les personnes déplacées, les rapatriés, les retournés, les familles d'accueil et les personnes vivant dans les zones de conflit. Bien qu’une certaine accalmie dans quelques localités ait facilité le retour de plus de 240 000 personnes dans leurs zones d’origine en 2018, déplacements ont augmentés tout au long de l’année. Une recrudescence des foyers de tension a malheureusement conduit plus d'un million de Centrafricains à quitter leur domicile, de force (incendies / démolitions de maisons) ou à titre préventif, avec 648 000 personnes déplacées internes et 576 000 réfugiés dans les pays voisins.
Plus de la moitié de ces personnes déplacées sont des enfants. En 2018, un nombre croissant d'enfants non accompagnés et séparés (704) (ENAS) ont été identifiés à la suite d'un déplacement forcé.

Par ailleurs, la vulnérabilité des populations a augmenté dans tous les secteurs :
• Le nombre de personnes ayant besoin d’une assistance humanitaire et de protection a augmenté de 16% par rapport à l’année passée. Sur les 2,9 million de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire, 1,6 million de personnes ont des besoins humanitaires aigus et immédiats.
Sécurité alimentaire: 1,9 million de Centrafricains sont en situation d’insécurité alimentaire (IPC niveau 3 et 4), et 13% de la population est en insécurité alimentaire aigue (IPC niveau 4).
Malnutrition : la République Centrafricaine fait face à des taux inquiétants de malnutrition aiguë sévère (MAS) et chronique chez les enfants de moins de 5 ans. Sur les 16 préfectures que compte le pays et la ville de Bangui, 10 préfectures ont des taux de MAS au-delà de 2% qui est un seuil d’urgence selon l’OMS. Pour 2019, on estime que plus de 110 000 enfants de moins de 5 ans ont besoin d’une prise en charge nutritionnelle urgente – dont près de 45 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère, et 65 000 souffrant de malnutrition aiguë modérée.
Eau et assainissement: Dans plus de 70 sites, ainsi que dans de nombreuses familles d'accueil, l'accès des personnes déplacées à l'eau, à l'hygiène et à l'assainissement (WASH) s'est considérablement détérioré en 2018. Un ménage sur deux seulement a accès à de l’eau potable, et 1 ménage sur 3 est contrainte de pratiquer la défécation à l’air libre. Le manque d’assainissement, une faible couverture en soins de santé primaires, et la promiscuité dans les sites et les familles d’accueil augmentent le risque de propagation de maladies et d’éruption d’épidémies.
Santé : La RCA a le deuxième taux de mortalité infantile le plus élevé au monde: un enfant sur 18 ne vit pas au-delà de son 28è jours. En 2018, le pays a enregistré trois épidémies de diarrhée aqueuse aiguë, une épidémie de fièvre typhoïde, une épidémie d'hépatite E, une épidémie de coqueluche et deux épidémies de variole du singe. La crainte d'Ebola ne peut être écartée et nous avons renforcé nos plans de préparation à cet égard.
Abris : Les abris improvisés dans lesquels les personnes déplacées trouvent refuge ne fournissent pas de protection suffisante contre les intempéries et les animaux, et les exposent à des risques sanitaires. Par ailleurs, moins de la moitié des sites de PDIs sont géré par des gestionnaires de camps.
Accès aux services essentiels: La crise a fortement réduit l'accès aux services publics essentiels. En octobre 2018, sur les 1010 structures de santé du pays, 236 (23%) étaient encore sous le choc de la crise (destructions partielles ou totales). Certaines de ces infrastructures de santé endommagées ont été réhabilitées, d'autres ont été détruites en 2017 et 2018. À ce jour, seules 48% (485) des unités nutritionnelles sont fonctionnelles. 340 écoles sont inopérantes.
L'absence de progrès dans le processus politique et de paix, les activités des groupes armés dans de nombreuses régions du pays, le déploiement limité de l'État, la persistance de tensions civils et d'infrastructures publiques, ainsi que d'affrontements armés, le manque de cohésion sociale et un environnement d'impunité sont tous des facteurs qui pointent suggérer une augmentation de la violence en 2019.

Mais ce ne sont pas seulement les civiles qui sont attaqués et rendus vulnérables. Les personnes sur lesquels ils dépendent pour leur propre survie sont également prises à parti. Les humanitaires sont honteusement ciblés. En 2018, nous avons observés une recrudescence inquiétante d'actes de violence à l'encontre de personnels humanitaires, d’établissements de santé et d’écoles. Entre janvier et décembre 2018, 14 établissements de santé et 93 écoles ont été attaqués ou occupés, avec une tendance particulièrement inquiétante d’incidents contre le personnel éducatif.
De même, le nombre d'incidents contre des acteurs humanitaires a augmenté de manière alarmante en 2018, avec 396 incidents contre les acteurs humanitaires – contre 333 en 2017, ce qui représente une augmentation de presque 20%. Par ailleurs, 6 travailleurs humanitaires ont été tués et 23 blessés cette année, et plus de 25 organisations ont temporairement suspendu leurs activités en raison de l'insécurité et du manque d'accès.

Je tiens ici à réitérer sans équivoque, mon appel envers tous les partis pour qu'elles respectent le Droit international humanitaire. J’en appelle également au Gouvernement centrafricain de rester uni avec ses partenaires humanitaires, et condamner chaque attaque contre les civils et les humanitaires, quel qu’ils soit. Ces actes ne peuvent rester sans réponse, ces actes doivent être condamné, ces actes doivent cesser. Disons non à l’impunité.

La situation est complexe et la tâche ardue. C’est pour cela que nous avons décidé d’unir nos efforts. Nous avons rassemblés tous les acteurs : les ONGs nationales et internationales, les agences des Nations Unies, et le Gouvernement, afin de produire une stratégie de réponse humanitaire commune pour 2019.
Ce Plan de Réponse Humanitaire repose sur des objectifs clairs, simples, et sans équivoque :
1. Sauver des vies,
2. Respecter les droits fondamentaux, et
3. Préserver la dignité humaine.

Chaque centrafricain et chaque centrafricaines est au cœur de notre vision, car leur protection est notre obligation, et une meilleure redevabilité envers les plus affectés notre devoir.
Notre stratégie de réponse est articulée autour de 3 piliers:
1. Une priorisation des besoins –qui comprend une analyse détaillée de la sévérité des besoins (aussi sectoriels que intersectoriels;
2. Une amélioration de la qualité de la réponse et des réponses intégrées, et
3. Une décentralisation et proximité accrue des acteurs auprès de ceux qui en ont le plus besoin.
Nous avons défini des priorités claires et précises, pris en compte nos capacités de réponse, et adapté nos modes opératoires dans un contexte de plus en plus difficile, y compris à travers un renforcement de la complémentarité de nos actions avec celles des acteurs de développement.
Je tiens à remercier chaque donateurs qui a contribué au Plan de réponse humanitaire de l’année dernière. Votre soutiens a permis de sauver d’innombrables vies, et d’aider des centaines milliers de personnes. Cependant, rien de tout cela n’aurait été possible sans votre soutien.

En 2019, nous ne pourrons nous contenter de maintenir nos efforts, nous devrons les intensifier si nous voulons éviter le pire.C’est pour cela que j’en appelle à votre générosité afin de mobiliser 430,7 millions de dollars, qui nous permettra d’atteindre 1,7 million de personnes en extrême vulnérabilité.
Sans financements, nous risquerions de mettre en danger :
- 110 000 enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition, qui ne recevraient pas de nutrition thérapeutique.
- 600 000 enfants vulnérables qui resteraient privés d'accès à l'éducation.
- 900 000 personnes qui seraient exposées aux incidents de protection, sans protection ou couverture du mécanisme d'alerte précoce.
- 29% de la population centrafricaine qui resterait sans accès à l'eau potable.
- 800 000 personnes qui n'auraient pas accès à des infrastructures d'assainissement de base.
- 145 000 enfants affectés par le conflit qui ne recevraient pas de soutien psychosocial.
- Les victimes de violence basées sur le genre (hommes, femmes, filles et garçons) qui ne pourraient avoir accès aux services intégrés.
- 500 000 personnes qui vivraient dans des abris de fortune sans articles non-alimentaires essentiels.

Nous sommes conscient que la Centrafrique a besoin de paix et de réconciliation, et en ce début d’année, je souhaite de tout cœur que le choix de la paix l’emportera sur les autres, car celui-ci est la seule voix qui permettra de mettre un terme aux souffrances de ce pays.
Entre temps, nous devons, tous ensemble, continuer à sauver les vies et alléger les souffrances des

Centrafricains et Centrafricaines. Aidez-nous les aider. Aidez-nous à aider Nina, Yakoubou, Khadija, Simplice, et tous les autres visages que nous rencontrons chaque jour. Nous sommes déterminés dans notre mission de redonner espoir aux enfants, aux femmes, et aux hommes de la République centrafricaine. Il en va de notre devoir, notre devoir d’alléger la souffrance, notre devoir de redonner espoir.
Singila Mingi.

LANOCA

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